Le Violon du fou
Après la première résidence plateau à l’Estran – Guidel, je décide de présenter le travail au jour le jour de la création du Violon du fou.
Des extraits du texte, des photos, des vidéos, des notes autours des thèmes du spectacle constitueront ce blog.
Pour commencer voici un résumé de l’histoire de Selma Lagerlöf à partir duquel sera écrit le spectacle.
Le conte de Selma Lagerlöf
Hede passe ses journées à jouer du violon. Lorsqu’il apprend que le domaine familial est ruiné, il décide de rentrer et d’oublier sa musique. Il devient colporteur.
Il part du nord de la Suède vendre un troupeau de chèvres dans le sud. Une forêt immense, l’hiver s’abat, le troupeau est décimé, Hede devient fou. Mendiant halluciné, accompagné d’un violon, il erre de ville en ville, ne trouvant refuge que dans les cimetières, auprès des morts. Son violon joue pour lui. Un jour, du fond de son tombeau, une jeune morte, Ingrid, se réveille.
Voilà quelques semaines, elle a renoncé à la vie et lentement s’est éteinte. Dans le noir du tombeau, elle entend une voix. La voix lui montre l’image d’un jeune étudiant dont elle est tombée amoureuse enfant et qu’elle n’a jamais oublié. L’étudiant est en danger, il est entouré de bêtes immondes prêtes à le dévorer. Ingrid rassemble ses forces pour le prévenir, son sang se remet à couler dans ses veines, son cœur à battre. Dans un souffle, elle se redresse, se cogne contre le cercueil. Hede l’entend, il libère Ingrid. Commence alors leur chemin commun. Elle part à la recherche de l’étudiant qu’elle doit protéger et sauver. Lui part retrouver sa mémoire et se libérer des peurs qui l’assaillent.
Sur ce chemin, le violon de Hede les accompagne. La musique crée des visions, les guide.
A propos du spectacle, article philomag
http://www.philomag.com/les-idees/lage-impossible-des-possibles-23745
L’âge impossible des possibles
Mis en ligne le 10/05/2017
Dans son dernier spectacle théâtral et musical, “Le Violon du fou”, Louise Lévêque aborde l’adolescence. Elle explore cette transition où surgissent les questionnements sur le sens de l’existence et où l’on peut risquer sa vie pour la sentir, se construire, parfois se détruire.
Si la jeune dramaturge met en scène ce moment clé dans le parcours de tout individu, c’est parce qu’il a été une étape charnière dans le sien. À 14 ans, après avoir vu des pièces de Jean-Luc Lagarce et de Claude Régy, elle a décidé de « faire » du théâtre. La réalisation de ce rêve d’ado n’a pas été immédiate. Après quelques mois passés dans une école de commerce parisienne, elle a remisé économie, marketing et comptes d’exploitation. Elle a nié cette injonction sociale « travailler, vivre sa vie comme elle a été prévue », pour reprendre les mots de son protagoniste masculin, Hede.
https://videopress.com/embed/lXRs1iIo
Le Violon du fou est l’histoire d’une rencontre et d’une quête sans fin, de l’autre et de soi. Ingrid est très jeune, elle a treize ans et elle est orpheline. Hede est un peu plus âgé. Il a abandonné l’idée d’être violoniste et étudie, puis travaille pour éviter que le manoir de son enfance ne soit vendu. Ils se sont perdus sitôt après s’être trouvés, mais chacun vit dans la tête de l’autre. Un jour, ils se retrouvent, mais dans quel état… Hede est devenu fou, coincé entre sa passion enterrée et le devoir subi. « Comme un très jeune enfant, il ne reconnaît plus son visage » dans les miroirs. Il est un corps vide, déjà mort et pourtant incapable de vraiment mourir. Ingrid s’est réfugiée dans « le monde du dedans », où son unique amour lui parle, la touche. Sinon, elle vit comme une automate, entre un espoir sans borne, telle une Marguerite faustienne, radieuse et solaire, et un désespoir profond, telle une Ophélie shakespearienne, fragile, en apnée, prête à disparaître pour toujours. Hantés par leurs souvenirs personnels et communs, ils errent entre la vie et la mort, d’une saison à l’autre.
https://videopress.com/embed/eIJdXbB9
Le texte de Louise Lévêque est un long poème mélancolique et fougueux. Les mots, simples, doux ou rugueux, chuchotent à nos oreilles ; les répétitions, les listes claquent à nos cœurs. Le texte fait corps avec une scénographie et une lumière pures, qui laissent la place aux silences, aux noirs, aux apparitions. Il est accompagné par la musique envoûtante du violoniste, présence discrète sur le plateau et double de Hede, et une bande-son subtile où se mêlent la voix off d’une narratrice et celles d’adolescents. Les paroles d’Ingrid et de Hede s’entendent comme le manifeste intemporel de la jeunesse qui a du mal dans nos sociétés hagardes et marchandes, dont la devise « expérience, responsabilité et authenticité » résonne trop souvent avec « travail, famille, patrie ». Cette impression s’incarne, presque au milieu du spectacle, avec l’arrivée sur scène d’une vingtaine de collégiens et de lycéens rencontrés lors des résidences de création. Face au public, Ingrid, Hede et le violoniste, silhouettes immobiles flottant derrière eux, ils enchaînent des questions, simples, pertinentes, complexes, ridicules, insolentes, triviales. Elles disent leur quotidien et n’attendent pas de réponse. Leur réel s’invite alors dans la fiction qui peu à peu reprend ses droits. Et l’un et l’autre s’unissent pour poser, sans jamais la prononcer, la question philosophique par excellence : comment conduire sa vie ? Choisir le sublime et peut-être s’y brûler, ou céder au principe de nécessité et exister à petit feu ?
Vivre et créer se ressemblent : pour y parvenir, il faut se soumettre à des états psychiques qui frôlent le tragique. Les adolescents l’éprouvent dans leur chair, les adultes, même s’ils l’oublient, se le rappellent dans leur for intérieur.
25 avril 2017 – création du Violon du fou
Quand il ne reste que 14 jours avant la première et pour apprendre à patiner.
Premiers jours de résidence à l’Estran
L’équipe est arrivée vendredi 7 avril à Guidel. Nous travaillons les premières scènes du spectacle.
Hier, en hommage au plasticien Bill Viola, nous avons cherché cette image : Ingrid subit l’orage intérieur de Hede.
Dans quelques semaines, presque déjà jours, nous partons avec toute l’équipe à Guidel – L’Estran pour la dernière résidence avec de créer le spectacle le 25 avril.
Nous nous sommes retrouvés pour une dernière séance de recherche autour du texte et de la musique.
Le regard de Guillemine Burin des Roziers – scénographe
Deux journées à L’Estran – Guidel
Les 30 et 31 , Louise Lévêque (metteur en scène), Marie-Bénédicte Cazeneuve (collaboratrice artistique), Guillemine Burin des Roziers (scénographe) et Eric Broitmann (compositeur et ingénieur du son) ont pu travaillé sur différentes thématiques et pratiques du spectacle avec une vingtaine de collégiens d’Hennebont et de Guidel.
Nous avons imaginé la mise en scène de leur Poème documentaire, ils ont composé de la musique et réalisé ce vitrail d’inspiration Chagall pour le décor.
Tout cela s’est passé à L’Estran, où nous créons le spectacle le 25 avril 2017
Le Violon du fou au Théâtre de la Tête Noire – Saran
Pour préparer chaque représentation, Louise Lévêque rencontre des adolescents des lieux où se joue le spectacle. Elle leur propose d’en devenir auteurs et interprètes. Ils écrivent et défendront sur scène leur Poème Documentaire composé à partir des phrases interrogatives qu’ils ont reçues au quotidien. Ici à Saran, elle a rencontré deux classes de collèges (Pelletier et Montjoie), un atelier théâtre et des jeunes du quartier Vilpot. Pendant ces rencontres, elle les enregistre par petits groupes pour réfléchir aux thématiques du Violon du fou, les interroger sur leur adolescence et enrichir sa collecte de voix d’adolescents qui s’intégreront au spectacle.
Extrait sonore d’une séance de travail
En relisant les poèmes que j’aime…
EMPORTEZ-MOI
Emportez-moi dans une caravelle,
Dans une vieille et douce caravelle,
Dans l’étrave, où si l’on veut, dans l’écume,
Et perdez-moi, au loin, au loin.
Dans l’attelage d’un autre âge.
Dans le velours trompeur de la neige.
Dans l’haleine de quelques chiens réunis.
Dans le troupe exténuée des feuilles mortes.
Emportez-moi sans me briser, dans les baisers,
Dans les poitrines qui se soulèvent et respirent,
Sur les tapis des paumes et leur sourire,
Dans les corridors des os longs, et des articulations.
Emportez-moi, ou plutôt enfouissez-moi.
La nuit remue, Henri Michaux